Issue 02

Afronauts : Turiya Adkins et Thandi Loeweson en conversation avec Diallo Simon-Ponte

IMAGES PAR: THANDI LOEWENSON et TURIYA ADKINS TEXTE: DIALLO SIMON-PONTE

Il est communément admis que la course à la conquête spatiale des années 1960-70 opposa uniquement les États-Unis à l’Union Soviétique. Pourtant, à la même époque en Zambie, un programme spatial plus imaginatif et véritablement radical était en cours d’élaboration. Dans le sillage verdoyant du moment post-indépendance, Edward Makuka Nkoloso, directeur autoproclamé de l’officieuse Académie nationale des sciences de Zambie, soutenait le fait que son pays serait le premier à se poser sur la Lune, grâce au développement du programme spatial zambien. Dans le cadre cet entretien, j’ai invité l’artiste Turiya Adkins et l’architecte Thandi Loewenson à se joindre à moi pour regarder Afronauts, un court-métrage réalisé en 2014 par Nuotama Bondo qui réimagine le programme spatial, et pour explorer ensemble les possibilités émancipatrices qu’offre la question du vol, la fiction comme forme de combat, et « l’entremêlement de la terre et de l’air » dans leur pratiques respectives.


Diallo Simon-Ponte : Pour commencer, j’aimerais vous demander à toutes les deux comment, dans vos pratiques respectives, vous en êtes arrivées à ces possibilités imaginatives autour de la question du vol. Turiya, pourrais-tu commencer à nous en parler ?


Turiya Adkins : Quand j’étais au collège, l’un de mes professeurs nous a montré une vidéo de Mike Powell – le GOAT, mon idole, le détenteur du record du monde de saut en longueur – effectuer son célèbre saut. Il saute à une hauteur de 8,95 mètres. Le fait de voir ce monument d’envol et de réaliser les capacités extraordinaires que détiennent les personnes noires a été une grande source d’inspiration. Pour être honnête, à partir de là, je ne me suis pas immédiatement lancée dans des investigations à propos du fait de voler, mais j’ai plutôt développé une obsession à propos de l’athlétisme et de ses statistiques.


Plus récemment, j’ai commencé à m’intéresser à la relation entre la course et l’aviation qui existait chez les Tuskegee Airmen, car mon grand-oncle en faisait partie. Oncle Lubby, comme on l’appelait. Je ne l’ai jamais connu, mais mon père était très proche de lui, et la ressemblance entre les deux que l’on peut voir sur les photos est absolument frappante.


Je me suis alors mise à réfléchir aux mythes entourant les Africain·es et la question de l’envol, et à ce qu’un grand saut comme l’est celui de Mike Powell signifie aux côtés des esclaves africain·es qui sautaient des navires négriers transatlantiques. En me replongeant dans ces histoires mythologiques, je me suis rendu compte qu’elles comportaient des aspects matériels. J’ai alors commencé à introduire ces matériaux, comme le sel ou le maïs, dans mes propres recherches.


J’ai été très heureuse de regarder Afronauts et d’en apprendre davantage sur le programme spatial zambien. Je me sens très inspirée par tout cela.


DSP : Thandi, comment la question du vol est-elle entrée dans ton orbite ?


Thandi Loewenson : Merci, Turiya. C’était vraiment beau. J’adore la manière que tu as d’ancrer ta pratique au sein de ta vie personnelle et familiale. Je ressens le côté ancestral. De mon côté, il y a tellement de motivations et de lignes de fuite qui entrent en jeu en même temps. En 2015, j’ai passé mon doctorat à Londres, en design architectural. Je viens d’une tradition de pensée architecturale, ou d’une pratique de la pensée architecturale qui encourage un usage spéculatif des outils à disposition pour répondre à des interrogations de type « et si ?… », et pour réfléchir à la politique en tant que préoccupation spatiale. Les projets architecturaux qui en émergeaient alors étaient très oniriques, très imaginaires, et impliquaient de pouvoir réfléchir sans même avoir à dessiner. Je suis originaire du Zimbabwe, et je voulais appliquer cette pratique au contexte et aux préoccupations de mon pays et, plus largement, de l’Afrique australe. 


Je me suis beaucoup intéressée aux histoires d’extraction et me suis penchée sur la question de l’exploitation minière, mais aussi sur celle des sites associés aux déchets et à la mise au rebut. Je me suis mise à observer plus spécifiquement une décharge urbaine de Lusaka, la capitale de la Zambie, et j’ai travaillé là-bas avec une communauté locale qui luttait contre la privatisation du site. La Zambie est un contexte vraiment intéressant pour moi politiquement, car elle a pu offrir, au sein de notre mémoire vivante, un exemple d’abolition de la propriété privée, qui s’inscrivait dans le mouvement d’indépendance. Il y eut à ce moment-là une série de projets radicaux qui cherchaient à défaire l’imaginaire colonial et l’ordre politique en relation avec la terre. En une nuit, la propriété privée a cessé d’exister en Zambie. Les mines ont été nationalisées. Notre relation aux ressources a été entièrement repensée. Sur ce site de Lusaka, le fait de proposer des actions de privatisation a réellement contribué à défaire ce projet politique zambien. Je suis tombée sur une mention du fait que cette décharge avait été un site potentiel pour le programme spatial zambien. Nous avons alors commencé à employer plusieurs méthodes pour rejouer le programme spatial de manière performative. L’adoption de personnages, de costumes très élaborés et de mondes imaginaires ont servi comme autant de moyens pour permettre de réfléchir à travers des alternatives, et de perturber les lignes hégémoniques de pensée. À partir de là, j’ai commencé à observer la manière dont ces idées qui étaient à liées à l’air et au vol venaient s’ancrer au sein des mouvements indépendantistes africains, et plus largement dans les mouvements d’émancipation fleurissant partout sur le continent. 


Turiya, j’adorerais en savoir plus sur ces notions d’Africain·es volant·es [« flying Africans »] et sur ta mention du sel et du maïs.


TA : Je me suis rendu compte que c’était dans les récits caribéens que l’on en retrouvait le plus d’usages matériels. En particulier pour le sel : les contes disent que si tu en manges trop, tu restes cloué·e au sol. J’ai fait le lien avec la fosse commune qu’est l’Océan Atlantique et le fait que le sel s’incruste dans ce qui vient faire obstacle entre l’endroit où les gens sont emmenés et leur maison.


Le maïs, par contre… On dit que si vous mettez des épis de maïs sous vos aisselles, cela vous fera voler. J’ai trouvé ça magnifique : le lien entre le fait d’être cloué·e au sol à cause du sel, et le maïs qui permet à l’inverse de s’élever.


Un troisième conte dit qu’en tournant beaucoup sur soi-même, il est possible de s’envoler, et cela m’a rappelé l’entraînement en apesanteur que l’on voit dans Afronauts. L’article écrit par Namwali Serpell dans le New Yorker au sujet du programme spatial zambien évoque leurs différentes méthodes consistant à se balancer à une corde avant de la couper à son point le plus élevé. J’ai beaucoup pensé à l’envol, mais aussi à la chute. Dans cette notion de chute, il y a aussi le marqueur de la distance à laquelle tu as volé. Il y a cette scène si belle dans Afronauts, où le personnage de Matha Mwamba décolle et que tout le monde dit : « Oh, elle a disparu » ; et, à partir de là, on ne sait plus vraiment si elle continue à voler ou si elle commence à chuter.


Très rapidement, mais tout cela me rappelle avoir lu il y a quelques temps cet article [écrit par Hua Hsu dans le New Yorker] à propos de Sun Ra, intitulé How Sun Ra Taught Us to Believe in the Impossible [« Comment Sun Ra nous a appris à croire en l’impossible »].


Il y est expliqué la manière dont Sun Ra a imaginé les éléments d’une « Astro-Black Mythology », qui, selon moi, a beaucoup à voir avec Afronauts, ainsi qu’avec les recherches que j’ai pu faire sur le programme spatial zambien. L’article dit que « Sun Ra a commencé à esquisser une “Astro-Black Mythology”, une manière d’aligner l’histoire de l’Égypte antique avec une vision d’un futur exode humain au-delà des étoiles. Les détails de la vision de Ra demeurent flous, mais il semblait croire que les traumatismes de l’Histoire, et notamment l’esclavage américain, ont rendu la vie sur Terre intenable ».


DSP : La fiction m’est si proche et si chère, et c’est ce qui m’a attiré vers chacune de vos pratiques. Thandi, tu as d’ailleurs mis en œuvre un programme intitulé « La fiction comme forme de combat : manœuvres de terrains dans l’étrange et le tendre ». Ce n’est pas qu’il s’agisse d’approches interchangeables, mais pour vous, comment la fiction est-elle liée au désir d’imagination en même temps qu’elle doit être comprise comme un mécanisme de défense ?


TL : Turiya, pour revenir à tes derniers propos sur Sun Ra et l’article de Namwali Serpell sur le programme spatial zambien, son roman-encyclopédie Mustiks, une odyssée en Zambie est fantastique. Je trouve fascinante la manière dont elle nous offre la figure du moustique pour mieux nous éloigner de la catégorie de l’humain·e au profit d’une autre sorte de vol, bien plus indiscipliné. J’ai lu quelque chose à propos de ton travail et de comment tu as essayé, dans ta peinture, de t’éloigner de l’idée de figure. Conserver l’idée du vol, et la critique de l’humanité qui l’accompagne, c’est très provocateur. Je pense beaucoup ici à la critique de Sylvia Wynter de la catégorie « humain·e », et de comment ce désaveu de l’humain est quelque chose de libérateur en soi. En désavouant la figure, tu donnes la place à une conception davantage émancipatrice et englobante de qui et de ce qu’est cette figure. Elle n’est plus limitée par les frontières du corps, dans la mesure où tu te libères également de l’image du corps.


Le programme spatial lancé par Nkoloso s’appuie sur des éléments fictifs très vastes pour venir contrecarrer les récits imposés par le projet colonial et par celui de la suprématie blanche – qui sont eux-mêmes des fictions. Ce sont les sujets que j’ai développés dans ma thèse : le concept de fabrication de « fiction coloniale », puis ces fictions émancipatrices radicales qui ont été élaborées pour mieux venir contrecarrer les premières.


Bien sûr, ces fictions se devaient d’être étranges, bizarres ou choquantes, à la manière de celles de Nkoloso, à la manière de l’esthétique de Sun Ra, je crois, car elles s’y juxtaposent très bien. Elles sont conçues pour libérer et pour ouvrir. Elles nous ébranlent d’une manière si fondamentale qu’elles interrompent l’ordre du monde que nous habitons pour mieux donner la place à – ou même nous transporter dans – un nouvel ordre du monde. On pourrait décrire ça comme de la fiction, on pourrait décrire ça comme irréel.


Mais j’aime penser à la fiction de la même manière que les penseur·euses féministes « ficto-critiques » le font : comme l’acte de « faire avec » plutôt que d’« inventer ».


DSP : Wow. C’est du gospel ! Continue, je t’en prie.


TL : L’idée de la fiction comme forme de combat vient d’un écrivain zimbabwéen appelé Dambudzo Marechera. C’est un autre écrivain zimbabwéen, Tinashe Mushakavanhu, qui m’a introduite à cette phrase dans un entretien fictionnel qu’il tient avec Dambudzo à titre posthume.


Dans le monde de la fiction, tant de choses sont possibles, alors qu’elles ne seraient jamais permises ailleurs. Oui, c’est certainement ce qui a lieu avec le programme spatial zambien.


TA : Fred Moten dit que l’objectif des études noires est de critiquer la civilisation occidentale. J’ai transposé cette idée dans le vocabulaire de l’histoire de l’art, où la civilisation occidentale est le plus souvent représentée par la figuration. Pour moi, l’abstraction existe en tant que forme de lutte contre la civilisation occidentale. Je relie la fiction à l’abstraction de cette manière, en tant que réclamation de ce qui est réel.


DSP : Pour poursuivre l’idée de Thandi à propos du fait de travailler au sein de ces récits dominants qui sont intrinsèquement fictifs mais deviennent réels, Turiya, je voudrais évoquer le tableau Pining for St. Sebastian (2024) que tu m’as récemment montré, et dans lequel il y a une référence à une sculpture de Michael Richards, un artiste ayant travaillé autour des Tuskegee Airmen et qui est mort dans l’attentat du 11 septembre des Twin Towers. Pour plein de raisons, cette histoire ressemble presque à de la fiction. En incluant cette présence dans ton œuvre, comment as-tu vécu le fait de montrer, voire même de ré-imaginer ce récit sur la toile ?


TA : Richards a utilisé sa propre figure pour imager le moulage en bronze qu’il a utilisé pour cette pièce, qui est désormais symboliquement lié à sa mort. En cela, son choix original ne s’aligne pas tout à fait à mon combat pour l’abandon de la figure, et ce, dans tous les sens du terme, puisqu’il joue avec la citation directe. En étudiant sa pratique, et cette œuvre en particulier, j’ai aussi inversé l’orientation, de telle sorte qu’on dirait qu’il lévite, en écho avec certaines des peintures de Kerry James Marshall dans lesquelles on peut voir un magicien faire léviter une figure féminine. Alors que la sculpture de Richards est ancrée au sol, j’ai inversé l’orientation pour pouvoir lui donner la charge sémantique de ne plus être clouée au sol, et pour jouer avec la notion d’être coincée dans une chute.


TL : L’une des choses qui m’a beaucoup inspirée avec le programme spatial zambien, c’est qu’on nous offre ces moments captivants, qui permettent de suggérer quelque chose d’encore plus grand. Des moments exaltants, je suppose, et qui demeurent incomplets. C’est devenu une tactique dans mon travail, et je la retrouve également dans le tien, Turiya, où l’œuvre se situe en fait beaucoup plus dans les écarts et les interstices.


En t’entendant développer autour de l’idée de la chute, de cet espace ou de ce moment de la chute, de la chute comme écart conceptuel entre un état et un autre, il me semble que c’est là qu’une grande partie du travail a lieu, consistant à créer des espaces pour accueillir les récits, et, en effet, à créer des récits ou des fictions qui ont ces ouvertures permettant une multiplicité d’expériences, une multiplicité d’histoires, et la possibilité d’advenir au milieu d’elles.


Mais comme le dit Saidiya Hartman, cet écart ou cette chute mènent aussi à la violence, à l’horreur, à la mort. Il y a quelque chose de très puissant au sujet de l’écart, ou peut-être de la chute. Je ne sais pas si c’est très juste d’utiliser ces termes de manière interchangeable. Peut-être. Mais je crois qu’il y a là quelque chose de très puissant, dans l’œuvre qui se crée elle-même, ou encore dans l’œuvre dont l’écart, en tant que structure de fictionalisation, répond à la violence du récit dominant totalisant.


DSP : Comment interprètes-tu la responsabilité de Matha en tant que femme de 16 ans devant sauver tout le monde, ou incarner cette figure libératrice du futur ? Lorsqu’elle se volatilise, est-ce que tu comprends ça comme une revendication de sa propre agentivité à apparaître et disparaître ? Comment cela se lie-t-il à un projet libérateur plus large ?


TL : En lisant les éléments d’archives à propos du programme spatial, j’ai trouvé, je crois, que Matha était une figure très différente de celle dépeinte dans le film. Je la trouve tellement inspirante. C’est vraiment une personne qui, selon moi, a tiré beaucoup de puissance du programme.


C’est un grand honneur qu’elle en soit la leader, et il y a une citation, extraite d’une conversation avec Nkoloso et un homme faisant partie des astronautes principaux, Godfrey Mwango, dans laquelle Nkoloso déclare que la mission est pour Matha. À ce moment-là, le journaliste rapporte que l’astronaute semble abattu. Je lisais ça, et je me disais à quel point il était génial de voir que les dynamiques genrées étaient en train de se défaire grâce à ça et au fait que Matha prenne cette position centrale.


DSP : Matha habite l’espace de l’homme sur la Lune.


TL : Exactement. Ce ne sont pas les Américain·es. Ce sont les Zambien·nes. C’est un ordre du monde différent que nous adoptons et avec lequel nous dirigeons. Pour moi, c’était un peu en contradiction avec la manière dont je comprends le personnage de Matha dans le film de Nuotama Bodomo, où elle semble être une figure bien plus réticente, quelqu’un qui serait en marge.


L’autre chose, c’est que l’une des images qui m’a le plus marquée, provenant des archives, est celle de Matha sur une balançoire, avec une incroyable jupe à pois noirs et blancs, qui flotte au gré du vent. Elle s’amuse comme une folle pendant que les autres s’entraînent en apesanteur. C’est tellement emblématique pour moi, ce moment de possibilité dans lequel les protagonistes s’échappent de la structure suprémaciste blanche la plus oppressive d’une société et se balancent, roulent et volent vers un avenir dans lequel de jeunes femmes noires sont les dirigeantes de programmes spatiaux et de programmes de combat militaires qui libèrent en même temps le reste de l’Afrique.


La chose qui m’a vraiment frappée, tout au long de mon travail… C’est que j’ai toujours été très, très désireuse de parler à Matha en personne. De parler à toutes les personnes qui ont pu être impliquées, mais surtout à Matha, en raison de la manière dont je l’ai imaginée. Je n’ai pas réussi à la retrouver. Pour moi, Matha a disparu, littéralement disparu.


Je ne sais pas si Bodomo a réussi à la contacter, ou si elle a vraiment disparu… Je n’ai trouvé personne ayant mentionné lui avoir parlé au moment où iels écrivaient à propos du programme, et dans les documentaires, elle n’apparaît jamais. Je trouve son absence complètement poignante, car au moment où ce programme spatial se met en place, il y a un avenir pour les jeunes femmes noires qui n’est finalement absolument pas réalisé. Je ressens avec acuité l’absence actuelle de ce projet libérateur pour les jeunes femmes noires de la région, tout comme je ressens l’absence de Matha.


DSP : Merci de nous avoir parlé de ton séjour dans les archives. C’est très précieux et instructif.


TL : Ce que je trouve fascinant, c’est la manière dont Bodomo propose ce projet comme un moyen de mener tant d’autres types de discussions. Ça parle de genre, d’albinisme, il y a toute une conversation sur la réalisation de films et sur le fait de travailler avec ces histoires aujourd’hui, c’est tellement riche.


DSP : Pour s’éloigner des prémisses conceptuelles de vos pratiques, de quelle manière regardez-vous vers le haut et autour de vous chaque jour ? Que portez-vous chacune dans vos yeux, et comment la terre et l’air s’entremêlent-ils pour vous ?


TA : En ce moment, je suis dans la chambre d’enfant de ma mère, et rien que la quantité de transformations que ma mère a pu éprouver dans cette maison, de même que ma grand-mère, offre un sentiment de voyage intergénérationnel en lui-même.


En ce qui concerne l’air, le ciel et les étoiles, ayant perdu un grand nombre de personnes, comme c’est notre cas à tous·tes, je pense que parvenir à les imaginer dans les airs et m’entourant dans l’environnement me soutient physiquement dans de nombreux cas, comme lorsque je me sens déprimée ou proche de flancher. Il peut s’agir d’esprits que j’ai connus ou non, comme Oncle Lubby.


DSP : Et pour toi, Thandi ?


TL : Je suis dans la chambre de ma fille. Elle a bientôt un an. Il y a plusieurs choses. Je crois que je… Mon esprit est… Elle est née l’année dernière en novembre.


DSP : L’anniversaire de Turiya est le 1er novembre !


TA : J’allais dire que nous avons une petite scorpion avec nous.


TL : Je suis bélier, donc on est mal. On est mal. Ma fille est née dans le contexte du bombardement le plus effroyable de Gaza, et maintenant du Liban, et de la violence aérienne la plus horrible dont je crois pouvoir me souvenir. Cela a toujours été une constante dans mon travail, je suppose ; l’impératif de lutter contre la violence, et le fait de donner de plus en plus d’importance au fait de comprendre que la violence a lieu. Oui, sur terre, mais aussi dans les airs. Nos luttes sont incomplètes si nous n’en affrontons qu’une seule. 


Quand je regarde vers le ciel, je retiens ces multiples échelles de violence, je crois, mais aussi le potentiel d’expansion de notre capacité d’imagination, pour comprendre comment nous percevons cela en tant qu’espace libérateur.

Ma fille a dit le mot « étoile » pour la première fois ce matin…


DSP : Wow.


TL : C’est vraiment cool. Vraiment cool.

Vertigo, Turiya Adkins, 2024
Weird & Tender (Extracts from the City Mailo), Thandi Loewenson
Afronauts, Nuotama Bondo, 2014
Pining for St. Sebastian, Turiya Adkins, 2024
Mikey P. The King, Turiya Adkins, 2024
Afronauts, Nuotama Bondo, 2014.
0 Vertigo, Turiya Adkins, 2024
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